Le Temps cite l'expertise de Novacorpus pour les greffes de cheveux en Turquie
“Si la réputation de la Turquie comme centre d’expertise incite à s’y rendre, le prix pèse aussi dans la balance. En Suisse, il faut compter entre 8000 et 20 000 francs selon le nombre de greffons et le standing de l’établissement. En 2007, le médecin suisse Stéphane de Buren a ainsi créé l’entreprise Novacorpus qui entend aider les patients à trouver des bons médecins à l’étranger. Il collabore avec des chirurgiens de pointe du Bosphore, pour des prix oscillant entre 2800 et 4500 francs, hôtel et prise en charge médicale compris. «Il existe un vrai savoir-faire dans ce pays. Mon travail est justement de sélectionner les meilleurs médecins selon des critères stricts. On contrôle tous leurs diplômes, leur expérience, les langues qu’ils parlent. Il faut qu’ils travaillent en hôpital avec une unité de soins intensifs […] On visite leur cabinet et l’hôpital: ils doivent être à la hauteur de ce que l’on trouve de mieux en Suisse. Et ils signent un contrat de 15 pages avec nous qui garantit, notamment, un bon suivi», énumère Stéphane de Buren.”
Retranscription de l'article
Des hommes toujours plus jeunes emboîtent le pas à leurs aînés en recourant à ces interventions délicates. Au risque de se perdre dans les méandres d’un marché esthétique peu transparent
Rares sont les crânes masculins qui échappent à la calvitie, ou alopécie androgénétique (voir encadré). On estime que 30% de la population mâle y sera sujette à la trentaine, et près d’un homme sur deux à partir de 50 ans. De votre voisin de palier aux rousseurs des ducs de Sussex et de Cambridge, elle ne fait pas de quartier.
Pour y remédier, la formule magique se nomme greffe capillaire. Yacine*, 23 ans seulement, l’envisage depuis que ses amis lui font des remarques sur son crâne clairsemé. «De toute façon, je sais que je serai chauve. C’était le cas de mon arrière-grand-père jusqu’à mon frère aujourd’hui. Au début, ça ne me gênait pas, mais les commentaires sont agaçants. Alors j’y réfléchis», confie le jeune homme par téléphone.
La greffe capillaire est une opération chirurgicale devenue très populaire ces dernières années, notamment du fait de l’amélioration des techniques, moins invasives qu’auparavant. La plus employée, la FUE (extraction d’unités folliculaires), consiste à prélever des greffons – unités de un à cinq cheveux – à l’arrière du crâne, là où les cheveux, en principe, ne disparaissent pas. Ils sont ensuite réimplantés sur les zones dégarnies. Le résultat est visible au bout de six mois à un an, et nécessite souvent un traitement médicamenteux ainsi qu’un suivi adapté.
Un business florissant
Le hic: à l’ère des réseaux sociaux, les patients sont de plus en plus jeunes, mal informés, et parfois influencés par les mauvaises personnes. «Aujourd’hui, certains praticiens opèrent des hommes qui n’ont pas une perte de cheveux stabilisée, avec des résultats médiocres à moyen terme. Pourtant, les recommandations de bonne pratique sont claires, il faut attendre 25 à 27 ans minimum pour opérer un patient souffrant de calvitie», s’agace le Dr. Raphaël Meyer, directeur de la Clinique de la Croix d’Or à Genève et chirurgien capillaire diplômé de l’American Board of Hair Restoration Surgery, le plus haut niveau du domaine.
Le médecin passe environ 40% de son temps à «réparer des problèmes». Bien qu’il y ait de bons et de mauvais praticiens partout, il ne cache pas son scepticisme quant aux opérations low-cost réalisées en Turquie et ailleurs, y compris en Suisse.
Istanbul est connue pour être devenue la capitale de la chirurgie capillaire, avec des dizaines d’établissements spécialisés. Certains sont à la pointe, d’autres n’ont de «clinique» que le nom. La greffe est devenue un immense business qui comporte ses dérives. «Des patients se font régulièrement opérer sans prise en charge médicale préalable, et parfois, aucun chirurgien n’intervient lors des greffes… Il faut toujours effectuer une évaluation de la zone de prélèvement – de sa capacité à donner des cheveux – car les cheveux n’y repousseront pas après la chirurgie. Et si nécessaire, indiquer un traitement de stabilisation pour limiter la progression de la calvitie, que cela soit avant, mais aussi après la greffe. Cela échappe parfois aux gens en fonction de ce qu’ils lisent sur internet», précise Raphaël Meyer.
Sur YouTube surtout, nombreux sont les influenceurs à collaborer avec des cliniques turques pour vanter leurs mérites. A coup d’«avant/après», ils banalisent l’acte chirurgical souvent qualifié «d’indolore» et glissent même des codes promotionnels pour des rabais d’opération ou des diagnostics gratuits.
Antoine* a été opéré à Istanbul en 2018. Suite à un épisode très stressant de sa vie, ses cheveux s’étaient mis à tomber et il ne le supportait plus. «J’ai tout essayé. Les compléments alimentaires, les shampoings anti-chute, la luminothérapie, l’hypnose… Rien ne marchait. Je me sentais vraiment moche, mal dans mon corps. J’avais l’air d’être vieux, malade, des gens m’ont même demandé si j’avais un cancer.»
Après avoir bien réfléchi, Antoine se décide pour une opération en Turquie. Trois entretiens préalables ont lieu avec un médecin francophone, il se sent en confiance. Mais sur place, il déchante: aucun des deux chirurgiens dans la salle ne parle français ou anglais. Malgré l’anesthésie locale, il a mal et ne peut pas se faire comprendre. Cinq ans après, le bilan est mitigé. «Au début, mes cheveux ont suivi la courbe qu’il fallait, mais dans le second cycle, ils n’ont jamais repoussé et mes cheveux d’avant sont tombés aussi. J’ai une zone donneuse qui n’est plus saine, il faut prendre des vitamines et c’est un certain budget. Sincèrement, je ne le referais pas.»
A la racine du «mal»
L’alopécie androgénétique dépend du terrain familial – génétique – et personnel du patient (homme ou femme). Chez ceux qui y sont sujets, tout ou partie des cheveux est sensible à certaines hormones dont la testostérone produites après l’adolescence, ce qui va fragiliser et miniaturiser les cheveux concernés et épuiser trop rapidement les cycles capillaires. En conséquence, les précieux poils rétrécissent, s’affinent et faiblissent jusqu’à disparaître.
Des spécialistes triés sur le volet
Si la réputation de la Turquie comme centre d’expertise incite à s’y rendre, le prix pèse aussi dans la balance. En Suisse, il faut compter entre 8000 et 20 000 francs selon le nombre de greffons et le standing de l’établissement. En 2007, le médecin suisse Stéphane de Buren a ainsi créé l’entreprise Novacorpus qui entend aider les patients à trouver des bons médecins à l’étranger. Il collabore avec des chirurgiens de pointe du Bosphore, pour des prix oscillant entre 2800 et 4500 francs, hôtel et prise en charge médicale compris. «Il existe un vrai savoir-faire dans ce pays. Mon travail est justement de sélectionner les meilleurs médecins selon des critères stricts. On contrôle tous leurs diplômes, leur expérience, les langues qu’ils parlent. Il faut qu’ils travaillent en hôpital avec une unité de soins intensifs […] On visite leur cabinet et l’hôpital: ils doivent être à la hauteur de ce que l’on trouve de mieux en Suisse. Et ils signent un contrat de 15 pages avec nous qui garantit, notamment, un bon suivi», énumère Stéphane de Buren.
Cette sécurité plaît, même si certains, à l’image de Mathias*, 27 ans, ont préféré rester en Suisse. «Je n’ai rien contre la Turquie mais j’avais besoin d’être proche en cas de problème», relate le jeune homme, très satisfait de sa greffe réalisée à Genève. Conscients de cette problématique, de nouveaux acteurs ont vu le jour. Créée en 2020, la start-up Hair & Skin compte déjà 19 cliniques dans toute la Suisse et se targue de pratiquer des tarifs aussi bas qu’en Turquie. Comment? D’aucuns disent qu’elle fait venir des médecins de l’étranger. Son service de communication nous a répondu que ses prix «correspondaient à ceux du marché» et que cela est dû à un «volume d’opérations élevé». On n’en saura pas plus.
«Tout cela pour des cheveux», estimeront certains. La situation reflète pourtant une tendance de fond ces dernières années, soit la préoccupation grandissante des hommes concernant leur physique. Un tracas qui fut longtemps une exclusivité féminine. En Suisse, les chiffres sont particulièrement éloquents: une opération de médecine esthétique sur cinq est effectuée sur un homme, hissant notre pays à la deuxième place du podium international derrière le Brésil. Tout aussi soumis que les femmes aux injonctions à manger sain, faire du sport pour rester compétitifs au travail comme dans la sphère privée, les hommes doivent eux aussi devenir (et rester) «la meilleure version» d’eux-mêmes. Et par là, conjurer le temps qui file.
Agisme déguisé?
Est-ce à dire aussi qu’une forme d’âgisme déguisé a fini par atteindre la sphère masculine? Le chercheur en psychologie sociale Glen Jankowski, professeur à l’Université de Leeds et spécialisé dans l’image du corps masculin, en est certain. «L’augmentation exponentielle du souci de notre apparence a fait évoluer notre perception de la calvitie. Aujourd’hui, le marketing en a fait une maladie, un signe de vieillissement alors même qu’elle peut survenir très tôt et que les hommes chauves vivent aussi longtemps que les autres. C’est lié à notre idéal de jeunesse.»
Glen Jankowski et sa collègue la doctoresse Hannah Frith ont récemment démontré que plus de 80% des études psychologiques réalisées sur la calvitie n’étaient pas neutres. Pathologisant le phénomène, elles sont notamment liées à des entreprises actives dans la promotion de produits contre la chute de cheveux… ■
* Prénoms d’emprunt.