Ces dernières années, les pressions sur les médecins suisses, accusés d’être responsables de la hausse des coûts de la santé, se sont multipliées. Par conséquent, la Suisse forme aujourd’hui 33% de médecins de moins qu’il y a 10 ans (réf. 1) alors que la population vieillit induisant une augmentation des besoins médicaux. La seule solution trouvée a été de recruter 40% de nos médecins hospitaliers à l’étranger. Pendant ce temps, les coûts continuent à augmenter et, en l’absence de solutions concrètes, une médecine à deux vitesses s’est développée dans un contexte d’affrontement entre médecins et assureurs.
A ce rythme, le pourcentage du PIB suisse investi dans la santé va continuer à augmenter fortement (20 à 30% du PIB (réf. 2) en 2050 soit le double d’aujourd’hui, réf. 3). Cela ne sera plus finançable dans notre société vieillissante comptant toujours moins d’actifs. L’accès aux soins va donc devenir un sujet de préoccupation toujours plus important pour les sociétés occidentales, toutes confrontées à ce problème que leur système de santé soit très étatique (France) ou très libéral (USA). Dans ce contexte, le tourisme médical se développe et présente un intérêt évident, (par tourisme médical ou libre circulation des patients s’entend le fait de voyager pour se faire soigner). Déjà très développé dans les pays anglo-saxons et au Benelux, ce nouveau phénomène arrive en Suisse, comme souvent, après les autres pays.
En Suisse, la LaMal interdit le remboursement de prestations à l’étranger (sauf les urgences). Dans l’Union Européenne, la libre circulation des patients pour les soins ambulatoires est garantie. Ainsi, un Hollandais se fera rembourser, par la sécurité sociale hollandaise, une cataracte opérée en Belgique. L’extension de cette libre circulation aux soins stationnaires est en cours de discussion et devrait être adoptée prochainement. L’avis unanime tant à Berne qu’à la FMH (qui y est favorable, réf. 4) est que la Suisse ne pourra alors plus se soustraire et devra garantir elle aussi la mobilité (et le remboursement) des patients suisses opérés dans l’Union.
Est-ce une nouvelle concurrence pour les médecins ? Un risque d’une qualité médicale inférieure ? Faut-il en avoir peur ? Bien sûr que non.
Tout d’abord, bien qu’inéluctable, le tourisme médical est une opportunité fantastique pour les médecins suisses qui verront des patients étrangers affluer chez nous (Moyen Orient et Russie, p.ex.) avec un niveau de vie permettant de payer des prix suisses. L’image extrêmement positive de notre pays pourrait nous permettre de devenir une destination beaucoup plus importante pour le tourisme médical qu’actuellement si la volonté politique était plus marquée. D’autres pays l’ont compris avant nous (USA, Allemagne). Il est temps d’investir plus, tant dans la technologie (certaines cliniques d’Istanbul sont maintenant mieux équipées que certaines en Suisse) que dans la promotion à l’étranger de notre médecine de pointe.Bien sûr, les médecins qui s’adapteront le mieux (apprentissage des langues et surtout de la culture de ces patients) seront ceux qui auront le plus de succès. La multiculturalité de notre pays est à ce titre un avantage formidable sur nos voisins.
Cet apport d’argent par des patients étrangers permettra de financer un système de santé qui en manquera, sinon, de plus en plus, impliquant de sacrifier les plus faibles.
Le principe de base du tourisme médical est que la qualité médicale dépend du médecin mais que le prix dépend du pays. Pour les patients suisses, il y a donc d’excellents médecins partout mais à un prix inférieur au prix suisse. A l’heure où un patient hospitalisé en Suisse a 40% de chances de se faire soigner par un médecin étranger, il est clair que voyager pour la santé ne représente plus autant un choc culturel. Comme déjà maintenant aux USA, un patient sera prêt à voyager pour des soins non urgents à condition de payer des primes plus basses tout en ayant accès rapidement à des centres médicaux de pointe et francophones.
Dans ce contexte, le partenariat conclu entre Novacorpus et Assura depuis 2010 est un premier pas vers la possibilité de pouvoir accéder à des soins de haute qualité, en français et à un prix abordable. Certes, nous aurions préféré que l’initiative vienne des milieux politiques mais ceux-ci préfèrent visiblement attendre.
En conclusion, nous ne pensons pas qu’il faille attendre plus longtemps mais, au contraire, nous préparer à ce changement majeur qui peut être une opportunité fantastique tant pour les médecins que les assureurs et les patients suisses.
Dr Stéphane de Buren
Fondateur et directeur de Novacorpus International Healthcare
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1 Conseil suisse de la science et de la technologie, Démographie médicale et réforme de la formation professionnelle des médecins, 2009
2 PIB : produit intérieur brut
3 Health care costs:a market-based view, Jean P. Drouin, Viktor Hediger, and Nicolaus Henke, The McKinsey Quarterly, 2008
4 Bulletin des médecins suisses 2009;90: ½