Reportage Canal 9 – Soins dentaires à Barcelone
[Pierre-Armand Dussex] Ils sont toujours plus nombreux, les Suisses, à se rendre à l’étranger pour y subir des soins. Et même si le phénomène est encore marginal comparé à d’autres pays européen, il se pourrait bien qu’il prenne de l’ampleur à l’avenir. Ce qui pousse les Suisses à se faire soigner à l’étranger c’est certainement des coûts beaucoup plus bas pour les prestations qui ne sont pas prises en charge par les caisses maladies. Mais se faire soigner à l’étranger n’est pas toujours sans risque. Alors, si l’on a décidé de franchir le pas, il faut prendre quelques précautions et surtout faire preuve de beaucoup de bon sens.
Hezia en a presque pris l’habitude. En quelques mois c’est la troisième fois qu’elle se rend à Barcelone pour y subir des soins dentaires. Aujourd’hui elle est accompagnée par Stéphane de Buren, l’homme qui a organisé son séjour. L’aller et retour sera effectué dans la journée, et vol compris, les soins resteront bien moins chers que s’ils avaient été réalisés en Suisse.
[Hezia] En Suisse, ou en l’occurrence Genève, c’est excessif, c’est très très très cher, en sachant qu’on n’est pas remboursé par nos caisses maladies. Donc on se retourne vers l’étranger et en l’occurrence vers l’Espagne.
[Stéphane de Buren, médecin Novacorpus] La qualité dépend du médecin mais le prix dépend du pays. Donc tout le secret c’est de trouver un bon médecin dans un pays où ça coûte moins cher.
Stéphane de Buren, lui, est docteur en médecine. Son métier : mettre en place des partenariats avec des structures médicales à l’étranger et offrir à ses clients des prestations dans les domaines des soins esthétiques, dentaires ou en ophtalmologie. Et il choisit attentivement les partenaires avec qui il travaille.
[Stéphane de Buren] On me surnomme des fois le MOSSAD ou le KGB, parce que je leur demande des diplômes, l’autorisation de pratique, je les regarde opérer, etc…
Les temps changent et les distances sont toujours plus courtes. La médecine et les soins n’échappent pas à ce mouvement, aux changements d’habitude des consommateurs. Le docteur Patrick Bovier est médecin spécialisé en médecine interne. Il travaille en tant que généraliste à la clinique Vidy Source, à Lausanne. Dernièrement, il s’est intéressé de près à la thématique du tourisme médical à l’étranger et il a rédigé un article sur le sujet dans une revue spécialisée.
[Pierre-Armand Dussex] Docteur Patrick Bovier bonjour !
[Docteur Patrick Bovier, médecin interniste, Vidy-Source] Bonjour.
[Pierre-Armand Dussex] Il y a dans le monde un grand nombre de personnes qui doit sortir de son pays pour aller se faire soigner à l’étranger. Comment ça se fait ?
[Patrick Bovier] Bien écoutez c’est essentiellement lié à des raisons souvent de sous-couvertures d’assurance ou des raisons économiques qui poussent certaines personnes, en fait, à chercher des soins je dirais de bonne qualité à des prix différents ou plus bas que ceux qu’ils ont dans leur pays où ils résident habituellement.
[Pierre-Armand Dussex] Il y a des régions du monde ou des pays qui sont spécialisés dans certains soins ?
[Patrick Bovier] Il semblerait qu’il y a tout un phénomène justement qui s’est développé suite à cette demande dans certains pays, essentiellement en Asie, dans certaines régions comme l’Inde, par exemple, Singapour, Hong-Kong aussi avec la Chine qui est toute proche, qui ont développé des centres médicaux qui se voulaient en tous cas essentiellement dédiés au tourisme médical de patients venant soit des pays industrialisés, soit des pays riches du Golf ou de Chine.
[Pierre-Armand Dussex] Et la Suisse elle-même est un pays où les gens se rendent pour subir des soins ?
[Patrick Bovier] Alors oui. C’est une clientèle différente. Mais il y a des tas de cliniques privées qui en fait voient de riches étrangers venir faire des cures, des convalescences, en Suisse.
[Pierre-Armand Dussex] Les personnes qui se rendent dans d’autres pays pour subir des soins le font parce qu’elles ont une couverture, une assurance insuffisante. En Suisse, avec l’assurance obligatoire, ce phénomène est beaucoup moins important.
[Patrick Bovier] Je pense qu’en Suisse on a la chance d’avoir une assurance de base, qui a des avantages et des inconvénients mais bon le catalogue de prestations, donc l’étendue de ce qui peut être remboursé par les assurances, ce qui est couvert par les assurances, est très très étendu. Et je dirais qu’heureusement, pour tout ce qui est vital, ou de première nécessité, l’assurance suisse couvre tous ces besoins-là.
[Pierre-Armand Dussex] Les personnes qui décident de se rendre à l’étranger pour subir des soins doivent quand même faire un certain effort, ce n’est pas simple de changer de pays.
[Patrick Bovier] Alors si déjà en Suisse les gens ont peur de changer de canton, imaginez de prendre l’avion pour aller se faire soigner à l’étranger avec tout ce que cela implique en termes d’isolement, d’éloignement, de manque de soutien social, la famille qui peut pas venir vous visiter. Donc, beaucoup de réticence à ce niveau-là. Et on voit aussi, quand on imagine ça on comprend peut-être la détresse qui pousse certaines personnes à faire des dizaines de milliers de kilomètres pour se faire opérer.
[Pierre-Armand Dussex] Quelle confiance on peut faire à un établissement qu’on ne connait pas, à l’étranger, dont on ne connait pas les médecins ?
[Patrick Bovier] C’est une grosse difficulté déjà. Je dirais qu’en Suisse on a de la peine à savoir, à connaître de manière efficace et fiable, la qualité des hôpitaux dans lesquels on se rend, parce qu’il y a très peu de données à ce niveau-là. C’est encore plus difficile à l’étranger. Ce qu’il existe maintenant, c’est en fait des personnes qui font l’intermédiaire entre vous et l’établissement où vous désirez vous rendre. Il y a des courtiers en fait en soins et qui se portent garants de la qualité. Alors il faut savoir qu’il y a certains de ces hôpitaux qui ont des standards de soins qui sont vraiment comparables à des 5 étoiles, et comparables aux meilleurs hôpitaux américains, basé sur les critères de qualité américains ou anglais et qui sont vraiment très réputés à ce niveau-là et même peut-être qui égalent ou qui surpassent certains hôpitaux suisses.
A peine arrivée à Barcelone, Hezia se rend au cabinet du dentiste situé en plein centre-ville.
[Hezia] Bonjour ! Ça va ?
[Infirmière] Ça va, et vous ?
L’accueil est chaleureux, le cabinet est semblable à ceux que l’on fréquente chez nous.
[Hezia] Thank you
[Infirmière] You’re welcome !
Le dentiste est allemand, mais il parle français avec plaisir. Depuis 6 ans qu’il est installé à Barcelone, c’est tout naturellement qu’il a fait du tourisme médical une part importante de son activité. Car il sait qu’il peut être concurrentiel.
[Dentiste] C’est assez facile si on compare déjà le prix des loisirs en Suisse, aussi les salaires, comme ça déjà on a un grand avantage ici. Les mêmes traitements peut-être pour un Espagnol ne sont pas bon marché mais clairement la différence avec la Suisse, elle est monumentale.
Aux dires du dentiste, la provenance des matériaux peut être prouvée, et leur qualité certifiée. De quoi rassurer la patiente, curieuse de nature, et a priori plutôt prudente.
[Hezia] J’ai investigué un petit peu dans différents pays au monde, en Hongrie notamment. Et j’ai même envisagé la Thaïlande, Bangkok. Et justement, le problème qui pouvait se poser c’est si j’avais un problème à reprendre, en fait, et bien faire onze heures d’avion pour aller jusqu’à Bangkok… C’est quand même plus facile de revenir à Barcelone. Et il y a surtout le fait que la qualité des soins elle est aux normes européennes.
Sous le regard du courtier, Hezia subit la dernière partie de son traitement. La fixation d’un implant dentaire sur la visse posée lors d’une visite précédente. Tout le monde semble satisfait. La patiente a payé moins de la moitié de ce qu’elle aurait payé en Suisse. Le courtier a touché sa commission, et le dentiste a gagné une nouvelle cliente. En cas de pépin à l’étranger, de traitement mal fait, est-ce que mon médecin traitant sera d’accord de reprendre mon cas à zéro ? [Patrick Bovier] C’est vrai qu’il peut être un peu mis devant le fait accompli et être un peu réticent à le faire. Et je pense que le conseil qu’on peut donner c’est que pour les personnes qui souhaitent le faire c’est de prendre contact avant de partir avec leur médecin traitant, de façon à ce que celui-ci d’abord puisse peser le pour et le contre de ce choix, et puis le cas échéant, soutenir son patient s’il a besoin d’un arrêt de travail, de prescription d’antibiotiques, d’anti-inflammatoires, ou d’autres choses à son retour. Plutôt que de le mettre devant le fait accompli. Enfin bon il devra vous prendre en charge, sans autre. Mais sinon oui, il le prendra en charge.
[Pierre-Armand Dussex] Cette question des complications est centrale. Que faut-il faire pour se prémunir contre ce risque ?
[Patrick Bovier] Se prémunir des complications, je crois qu’on ne peut pas complètement. Toute intervention médicale, quelle qu’elle soit comporte un certain risque. Je pense que la première chose c’est d’être informé de ce risque, de savoir si le risque dans l’établissement où vous allez vous rendre est similaire à d’autres établissements auxquels vous auriez pu avoir accès en Suisse. Et puis de savoir peut-être, il y a des choses qu’on peut prévenir, donc d’avoir des consignes donc aux suites de l’intervention, que faire et ne pas faire. Ensuite se renseigner peut-être auprès d’autres personnes qui se sont rendues sur place, savoir comment ça s’est déroulé.
[Pierre-Armand Dussex] C’est difficile de savoir à l’avance ce que l’on va trouver à l’étranger. A quoi faut-il faire particulièrement attention lorsqu’on choisit un prestataire ?
[Patrick Bovier] Il y a certains prestataires qui publient leurs statistiques en termes de soins et de complications. Maintenant est-ce que pour, je dirais, le patient standard, ce sont des choses qui sont faciles à interpréter ? Probablement pas. Et là également soit son médecin traitant, mais on n’a pas l’habitude de le faire donc ça n’existe pas en Suisse, soit un représentant, enfin un courtier peut nous aider par rapport à ce choix. Il y a de plus en plus de données qui circulent sur Internet mais je ne pense pas qu’elles soient toujours faciles à comprendre et ce sont souvent des standards étrangers, en termes d’accréditations des standards de qualité, qui sont donnés.
[Pierre-Armand Dussex] En cas de problèmes, éventuellement d’erreurs, de complications qui ne devraient pas avoir lieu, on peut se retourner contre des établissements, contre des personnes à l’étranger ? C’est déjà difficile en Suisse, est-ce que c’est possible ailleurs ?
[Patrick Bovier] Ça reste difficile en Suisse, c’est probablement encore plus difficile de le faire à l’étranger. Et il y a probablement des contrats qui prévoient certains clauses, alors ça nécessite de les lire, ces contrats ne sont peut-être pas forcément dans une langue compréhensible pour le patient, elles ne sont peut-être pas en français donc ça pose des problèmes de nouveau. Je crois que le rôle du courtier peut être clé, très important en ces situations-là.
Lorsque l’on demande aux assureurs ce qu’ils pensent du tourisme médical et des personnes qui se rendent à l’étranger pour y subir des soins, leurs réponses sont plutôt laconiques. Le phénomène est simplement considéré comme échappant à leur obligation légale.
[Claude Goy, responsable des prestations Assura] En principe, les patients qui vont à l’étranger se faire soigner volontairement n’ont pas droit aux prestations de l’assurance de base, donc on ne peut pas prévoir quelque chose pour ces gens-là. On pourrait effectivement proposer à nos assurés une assurance qui couvre les frais à l’étranger mais elle serait hors de prix, parce que l’assurance de base ne pourrait pas intervenir.
Assura par exemple a pourtant étudié la possibilité d’externaliser certains soins pour faire baisser les tarifs. Les possibilités offertes par les lois sont assez minces, l’assurance offre donc à ses clients des prix préférentiels sur certains prestations de confort effectuées à l’étranger.
[Claude Goy] Nous l’avons étudié notamment pour la chirurgie réfractive et nous allons prochainement proposer à nos assurés, qui le désirent, de pouvoir se faire opérer à l’étranger afin d’éviter de porter des lunettes. C’est une intervention qui est très couteuse en Suisse et nous avons pu passer un accord avec une société genevoise qui propose des tarifs très intéressants dans des pays comme la France, la Hollande et la Turquie.
Une expérience différente a été conduite par une autre grande compagnie d’assurance. Cette expérience pilote visait à externaliser en Allemagne des soins de réadaptation dans le but de faire baisser massivement les coûts. Peut-être une première faille dans le principe de territorialité qui ne permet pas de rembourser les soins à l’étranger.
[Pierre-Armand Dussex] Vous pensez qu’on est encore très très attaché à la proximité des soins en Suisse ?
[Patrick Bovier] Oui. Je pense que les gens veulent un médecin dans leur quartier, veulent un hôpital dans un rayon de peut-être entre cinquante et cent kilomètres et les gens ne sont pas encore prêts à se déplacer beaucoup pour recevoir des soins. Peut-être pour des soins très très très pointus, probablement pas pour les soins de base ou pour leurs médecins généralistes, donc là ça ne va pas changer grand-chose.
[Pierre-Armand Dussex] En fin de compte vous seriez favorable ou défavorable à des soins à l’étranger ?
[Patrick Bovier] Je crois que je n’aurais pas d’a priori franchement négatif, d’emblée. Je pense que je discuterais avec le patient, mon patient, de ce qu’il en est, je pèserai les avantages et les inconvénients tout en regardant bien ce que finalement… Si vous voyez, à peser les intérêts en faveur du patient à se rendre à l’étranger, alors à ce moment-là je l’accompagnerai du mieux que je peux, en lui donnant le plus de conseils, en le voyant avant de partir, en étant disponible à son retour s’il le nécessite. Je ne serais pas d’emblée contre. Maintenant si on peut faire la même chose pour un prix semblable en Suisse, probablement je lui conseillerais de rester ici.
[Pierre-Armand Dussex] Et vous pensez qu’à l’avenir, on verra plus de monde se déplacer à l’étranger pour subir des soins ?
[Patrick Bovier] Je crois que ça dépend beaucoup de l’évolution de la LAMal, en Suisse. J’espère qu’on reste un statu quo et qu’on conserve le catalogue actuel. Maintenant c’est un choix qui ne dépend pas de moi ni des médecins, qui est un choix politique. Si ce choix est fait avec un catalogue de prestations qui se restreint, je crois qu’on sera simplement amenés à s’adapter et on le fera avec nos patients pour le bien des patients. [Pierre-Armand Dussex] Docteur Patrick Bovier, merci.
[Patrick Bovier] Merci.
Les soins qui sont majoritairement consommés à l’étranger sont surtout ceux qui échappent à l’assurance maladie et qui sont beaucoup plus chers en Suisse qu’à l’étranger. Dans tous les cas, il faut être prudent, car même si les établissements peuvent correspondre aux mêmes normes de sécurité que les nôtres et que le personnel peut être bien formé, les risques ne sont pas nuls. Alors, si vous avez décidé de partir quand même, parlez-en à votre médecin et préparez correctement votre séjour.
Hezia en a presque pris l’habitude. En quelques mois c’est la troisième fois qu’elle se rend à Barcelone pour y subir des soins dentaires. Aujourd’hui elle est accompagnée par Stéphane de Buren, l’homme qui a organisé son séjour. L’aller et retour sera effectué dans la journée, et vol compris, les soins resteront bien moins chers que s’ils avaient été réalisés en Suisse.
[Hezia] En Suisse, ou en l’occurrence Genève, c’est excessif, c’est très très très cher, en sachant qu’on n’est pas remboursé par nos caisses maladies. Donc on se retourne vers l’étranger et en l’occurrence vers l’Espagne.
[Stéphane de Buren, médecin Novacorpus] La qualité dépend du médecin mais le prix dépend du pays. Donc tout le secret c’est de trouver un bon médecin dans un pays où ça coûte moins cher.
Stéphane de Buren, lui, est docteur en médecine. Son métier : mettre en place des partenariats avec des structures médicales à l’étranger et offrir à ses clients des prestations dans les domaines des soins esthétiques, dentaires ou en ophtalmologie. Et il choisit attentivement les partenaires avec qui il travaille.
[Stéphane de Buren] On me surnomme des fois le MOSSAD ou le KGB, parce que je leur demande des diplômes, l’autorisation de pratique, je les regarde opérer, etc…
Les temps changent et les distances sont toujours plus courtes. La médecine et les soins n’échappent pas à ce mouvement, aux changements d’habitude des consommateurs. Le docteur Patrick Bovier est médecin spécialisé en médecine interne. Il travaille en tant que généraliste à la clinique Vidy Source, à Lausanne. Dernièrement, il s’est intéressé de près à la thématique du tourisme médical à l’étranger et il a rédigé un article sur le sujet dans une revue spécialisée.
[Pierre-Armand Dussex] Docteur Patrick Bovier bonjour !
[Docteur Patrick Bovier, médecin interniste, Vidy-Source] Bonjour.
[Pierre-Armand Dussex] Il y a dans le monde un grand nombre de personnes qui doit sortir de son pays pour aller se faire soigner à l’étranger. Comment ça se fait ?
[Patrick Bovier] Bien écoutez c’est essentiellement lié à des raisons souvent de sous-couvertures d’assurance ou des raisons économiques qui poussent certaines personnes, en fait, à chercher des soins je dirais de bonne qualité à des prix différents ou plus bas que ceux qu’ils ont dans leur pays où ils résident habituellement.
[Pierre-Armand Dussex] Il y a des régions du monde ou des pays qui sont spécialisés dans certains soins ?
[Patrick Bovier] Il semblerait qu’il y a tout un phénomène justement qui s’est développé suite à cette demande dans certains pays, essentiellement en Asie, dans certaines régions comme l’Inde, par exemple, Singapour, Hong-Kong aussi avec la Chine qui est toute proche, qui ont développé des centres médicaux qui se voulaient en tous cas essentiellement dédiés au tourisme médical de patients venant soit des pays industrialisés, soit des pays riches du Golf ou de Chine.
[Pierre-Armand Dussex] Et la Suisse elle-même est un pays où les gens se rendent pour subir des soins ?
[Patrick Bovier] Alors oui. C’est une clientèle différente. Mais il y a des tas de cliniques privées qui en fait voient de riches étrangers venir faire des cures, des convalescences, en Suisse.
[Pierre-Armand Dussex] Les personnes qui se rendent dans d’autres pays pour subir des soins le font parce qu’elles ont une couverture, une assurance insuffisante. En Suisse, avec l’assurance obligatoire, ce phénomène est beaucoup moins important.
[Patrick Bovier] Je pense qu’en Suisse on a la chance d’avoir une assurance de base, qui a des avantages et des inconvénients mais bon le catalogue de prestations, donc l’étendue de ce qui peut être remboursé par les assurances, ce qui est couvert par les assurances, est très très étendu. Et je dirais qu’heureusement, pour tout ce qui est vital, ou de première nécessité, l’assurance suisse couvre tous ces besoins-là.
[Pierre-Armand Dussex] Les personnes qui décident de se rendre à l’étranger pour subir des soins doivent quand même faire un certain effort, ce n’est pas simple de changer de pays.
[Patrick Bovier] Alors si déjà en Suisse les gens ont peur de changer de canton, imaginez de prendre l’avion pour aller se faire soigner à l’étranger avec tout ce que cela implique en termes d’isolement, d’éloignement, de manque de soutien social, la famille qui peut pas venir vous visiter. Donc, beaucoup de réticence à ce niveau-là. Et on voit aussi, quand on imagine ça on comprend peut-être la détresse qui pousse certaines personnes à faire des dizaines de milliers de kilomètres pour se faire opérer.
[Pierre-Armand Dussex] Quelle confiance on peut faire à un établissement qu’on ne connait pas, à l’étranger, dont on ne connait pas les médecins ?
[Patrick Bovier] C’est une grosse difficulté déjà. Je dirais qu’en Suisse on a de la peine à savoir, à connaître de manière efficace et fiable, la qualité des hôpitaux dans lesquels on se rend, parce qu’il y a très peu de données à ce niveau-là. C’est encore plus difficile à l’étranger. Ce qu’il existe maintenant, c’est en fait des personnes qui font l’intermédiaire entre vous et l’établissement où vous désirez vous rendre. Il y a des courtiers en fait en soins et qui se portent garants de la qualité. Alors il faut savoir qu’il y a certains de ces hôpitaux qui ont des standards de soins qui sont vraiment comparables à des 5 étoiles, et comparables aux meilleurs hôpitaux américains, basé sur les critères de qualité américains ou anglais et qui sont vraiment très réputés à ce niveau-là et même peut-être qui égalent ou qui surpassent certains hôpitaux suisses.
A peine arrivée à Barcelone, Hezia se rend au cabinet du dentiste situé en plein centre-ville.
[Hezia] Bonjour ! Ça va ?
[Infirmière] Ça va, et vous ?
L’accueil est chaleureux, le cabinet est semblable à ceux que l’on fréquente chez nous.
[Hezia] Thank you
[Infirmière] You’re welcome !
Le dentiste est allemand, mais il parle français avec plaisir. Depuis 6 ans qu’il est installé à Barcelone, c’est tout naturellement qu’il a fait du tourisme médical une part importante de son activité. Car il sait qu’il peut être concurrentiel.
[Dentiste] C’est assez facile si on compare déjà le prix des loisirs en Suisse, aussi les salaires, comme ça déjà on a un grand avantage ici. Les mêmes traitements peut-être pour un Espagnol ne sont pas bon marché mais clairement la différence avec la Suisse, elle est monumentale.
Aux dires du dentiste, la provenance des matériaux peut être prouvée, et leur qualité certifiée. De quoi rassurer la patiente, curieuse de nature, et a priori plutôt prudente.
[Hezia] J’ai investigué un petit peu dans différents pays au monde, en Hongrie notamment. Et j’ai même envisagé la Thaïlande, Bangkok. Et justement, le problème qui pouvait se poser c’est si j’avais un problème à reprendre, en fait, et bien faire onze heures d’avion pour aller jusqu’à Bangkok… C’est quand même plus facile de revenir à Barcelone. Et il y a surtout le fait que la qualité des soins elle est aux normes européennes.
Sous le regard du courtier, Hezia subit la dernière partie de son traitement. La fixation d’un implant dentaire sur la visse posée lors d’une visite précédente. Tout le monde semble satisfait. La patiente a payé moins de la moitié de ce qu’elle aurait payé en Suisse. Le courtier a touché sa commission, et le dentiste a gagné une nouvelle cliente. En cas de pépin à l’étranger, de traitement mal fait, est-ce que mon médecin traitant sera d’accord de reprendre mon cas à zéro ? [Patrick Bovier] C’est vrai qu’il peut être un peu mis devant le fait accompli et être un peu réticent à le faire. Et je pense que le conseil qu’on peut donner c’est que pour les personnes qui souhaitent le faire c’est de prendre contact avant de partir avec leur médecin traitant, de façon à ce que celui-ci d’abord puisse peser le pour et le contre de ce choix, et puis le cas échéant, soutenir son patient s’il a besoin d’un arrêt de travail, de prescription d’antibiotiques, d’anti-inflammatoires, ou d’autres choses à son retour. Plutôt que de le mettre devant le fait accompli. Enfin bon il devra vous prendre en charge, sans autre. Mais sinon oui, il le prendra en charge.
[Pierre-Armand Dussex] Cette question des complications est centrale. Que faut-il faire pour se prémunir contre ce risque ?
[Patrick Bovier] Se prémunir des complications, je crois qu’on ne peut pas complètement. Toute intervention médicale, quelle qu’elle soit comporte un certain risque. Je pense que la première chose c’est d’être informé de ce risque, de savoir si le risque dans l’établissement où vous allez vous rendre est similaire à d’autres établissements auxquels vous auriez pu avoir accès en Suisse. Et puis de savoir peut-être, il y a des choses qu’on peut prévenir, donc d’avoir des consignes donc aux suites de l’intervention, que faire et ne pas faire. Ensuite se renseigner peut-être auprès d’autres personnes qui se sont rendues sur place, savoir comment ça s’est déroulé.
[Pierre-Armand Dussex] C’est difficile de savoir à l’avance ce que l’on va trouver à l’étranger. A quoi faut-il faire particulièrement attention lorsqu’on choisit un prestataire ?
[Patrick Bovier] Il y a certains prestataires qui publient leurs statistiques en termes de soins et de complications. Maintenant est-ce que pour, je dirais, le patient standard, ce sont des choses qui sont faciles à interpréter ? Probablement pas. Et là également soit son médecin traitant, mais on n’a pas l’habitude de le faire donc ça n’existe pas en Suisse, soit un représentant, enfin un courtier peut nous aider par rapport à ce choix. Il y a de plus en plus de données qui circulent sur Internet mais je ne pense pas qu’elles soient toujours faciles à comprendre et ce sont souvent des standards étrangers, en termes d’accréditations des standards de qualité, qui sont donnés.
[Pierre-Armand Dussex] En cas de problèmes, éventuellement d’erreurs, de complications qui ne devraient pas avoir lieu, on peut se retourner contre des établissements, contre des personnes à l’étranger ? C’est déjà difficile en Suisse, est-ce que c’est possible ailleurs ?
[Patrick Bovier] Ça reste difficile en Suisse, c’est probablement encore plus difficile de le faire à l’étranger. Et il y a probablement des contrats qui prévoient certains clauses, alors ça nécessite de les lire, ces contrats ne sont peut-être pas forcément dans une langue compréhensible pour le patient, elles ne sont peut-être pas en français donc ça pose des problèmes de nouveau. Je crois que le rôle du courtier peut être clé, très important en ces situations-là.
Lorsque l’on demande aux assureurs ce qu’ils pensent du tourisme médical et des personnes qui se rendent à l’étranger pour y subir des soins, leurs réponses sont plutôt laconiques. Le phénomène est simplement considéré comme échappant à leur obligation légale.
[Claude Goy, responsable des prestations Assura] En principe, les patients qui vont à l’étranger se faire soigner volontairement n’ont pas droit aux prestations de l’assurance de base, donc on ne peut pas prévoir quelque chose pour ces gens-là. On pourrait effectivement proposer à nos assurés une assurance qui couvre les frais à l’étranger mais elle serait hors de prix, parce que l’assurance de base ne pourrait pas intervenir.
Assura par exemple a pourtant étudié la possibilité d’externaliser certains soins pour faire baisser les tarifs. Les possibilités offertes par les lois sont assez minces, l’assurance offre donc à ses clients des prix préférentiels sur certains prestations de confort effectuées à l’étranger.
[Claude Goy] Nous l’avons étudié notamment pour la chirurgie réfractive et nous allons prochainement proposer à nos assurés, qui le désirent, de pouvoir se faire opérer à l’étranger afin d’éviter de porter des lunettes. C’est une intervention qui est très couteuse en Suisse et nous avons pu passer un accord avec une société genevoise qui propose des tarifs très intéressants dans des pays comme la France, la Hollande et la Turquie.
Une expérience différente a été conduite par une autre grande compagnie d’assurance. Cette expérience pilote visait à externaliser en Allemagne des soins de réadaptation dans le but de faire baisser massivement les coûts. Peut-être une première faille dans le principe de territorialité qui ne permet pas de rembourser les soins à l’étranger.
[Pierre-Armand Dussex] Vous pensez qu’on est encore très très attaché à la proximité des soins en Suisse ?
[Patrick Bovier] Oui. Je pense que les gens veulent un médecin dans leur quartier, veulent un hôpital dans un rayon de peut-être entre cinquante et cent kilomètres et les gens ne sont pas encore prêts à se déplacer beaucoup pour recevoir des soins. Peut-être pour des soins très très très pointus, probablement pas pour les soins de base ou pour leurs médecins généralistes, donc là ça ne va pas changer grand-chose.
[Pierre-Armand Dussex] En fin de compte vous seriez favorable ou défavorable à des soins à l’étranger ?
[Patrick Bovier] Je crois que je n’aurais pas d’a priori franchement négatif, d’emblée. Je pense que je discuterais avec le patient, mon patient, de ce qu’il en est, je pèserai les avantages et les inconvénients tout en regardant bien ce que finalement… Si vous voyez, à peser les intérêts en faveur du patient à se rendre à l’étranger, alors à ce moment-là je l’accompagnerai du mieux que je peux, en lui donnant le plus de conseils, en le voyant avant de partir, en étant disponible à son retour s’il le nécessite. Je ne serais pas d’emblée contre. Maintenant si on peut faire la même chose pour un prix semblable en Suisse, probablement je lui conseillerais de rester ici.
[Pierre-Armand Dussex] Et vous pensez qu’à l’avenir, on verra plus de monde se déplacer à l’étranger pour subir des soins ?
[Patrick Bovier] Je crois que ça dépend beaucoup de l’évolution de la LAMal, en Suisse. J’espère qu’on reste un statu quo et qu’on conserve le catalogue actuel. Maintenant c’est un choix qui ne dépend pas de moi ni des médecins, qui est un choix politique. Si ce choix est fait avec un catalogue de prestations qui se restreint, je crois qu’on sera simplement amenés à s’adapter et on le fera avec nos patients pour le bien des patients. [Pierre-Armand Dussex] Docteur Patrick Bovier, merci.
[Patrick Bovier] Merci.
Les soins qui sont majoritairement consommés à l’étranger sont surtout ceux qui échappent à l’assurance maladie et qui sont beaucoup plus chers en Suisse qu’à l’étranger. Dans tous les cas, il faut être prudent, car même si les établissements peuvent correspondre aux mêmes normes de sécurité que les nôtres et que le personnel peut être bien formé, les risques ne sont pas nuls. Alors, si vous avez décidé de partir quand même, parlez-en à votre médecin et préparez correctement votre séjour.